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D-MAGAZINE

Hebdomadaire

Mode: Été 2019, Sublime à son miroir

Publié le 21 Août 2019 par Diana ABDOU Rédactrice en chef Mode trans féminine

Depuis quelques saisons, images et publicités branchées transforment les humains en créatures virtuelles. Chassez le naturel, robots glamour et génie génétique rappliquent au galop
                                                                      

Ironie. A quelques jours des votations sur le génie génétique, l'univers vaguement prophétique de la mode semble avoir choisi son camp. C'est ce qu'on peut comprendre en se penchant sur les publicités les plus branchées. C'est également ce que l'on devine en feuilletant les mises en scène réalisées par les magazines les plus futés (Dutch, Arena, Vogue, etc.). Leurs consignes de vote, leurs messages subliminaux: Oui aux manipulations de toutes sortes. Oui aux femmes habillées toutes pareilles, comme si elles n'étaient plus que d'intemporelles Eve, clonées à partir de la poitrine d'une improbable Dolly Parton. Oui à des chambres à coucher plus gelées que des banques de sperme. Oui à  des êtres ni tout à fait hommes, ni tout à fait femmes, oui au cross-gender.

Oui à un monde peuplé de personnages sans âge, visages fragiles, corps encagés dans des vêtements d'adultes, vies sans aspérités parce que sorties de nulle part, d'un labo ou d'une éprouvette.

Mais alors, comment changer de cap sans tomber dans un optimisme suranné? En remplaçant les mannequins d'hier (sympas mais pas nets) par des individus pas très recommandables mais impeccables, comme l'écrivait en substance Stéphane Wargnier, aujourd'hui chez Hermès: «Comme une réponse au politiquement correct, à l'hygiénisation du sexe, la mode renoue avec la froide stylisation façon Helmut Newton.»

Ainsi, Gucci affiche des campagnes mondiales d'une beauté à couper le souffle, où tout n'est que luxe, froidure et volupté, mélancolie sans objet, yeux perdus, corps parfaits et épilés. Chez Prada, chez Vuitton et leurs suiveurs, les silhouettes semblent arrêtées et comme extraites du temps. Leurs vêtements, souvent géométriques ou effilés comme ceux des années 50, renvoient Star Treck au rayon des falbalas fantaisistes. Ere du self-control, de la maîtrise absolue des codes, dont le film Bienvenue à Gattaca recopie l'univers à l'identique: phobie de la peau qui part en délicats lambeaux, peur de laisser la moindre trace, gel de la volonté. Même si, aux Etats-Unis, Calvin «Klean», chantre d'une mode minimaliste, vient de demander à ses mannequins d'avoir la peau bronzée et d'esquisser l'ombre d'un début de promesse de soupçon de sourire.

Ainsi, une des tendances les plus suivies actuellement transforme les femmes à la mode en créatures virtuelles: peaux lisses et brillantes comme celle des top models virtuels (finie la peur d'avoir le nez qui brille), cosmétiques métallisés bleus, gris, verts comme pour mieux ressembler à Lara Croft, l'héroïne de jeux vidéos archiconnue. Hier, tout était mis en œuvre pour que les créatures virtuelles aient l'air humain. Aujourd'hui, et pour quelques mois encore, la mode offre le spectacle d'une vie où l'humain met ses efforts à copier la machine, à dissimuler ses émois derrière des lunettes fumées, à imiter des surhommes qui se regardent vivre avec un sourire mélancolique sur les lèvres, choisissant d'encourager la recherche génétique, non par foi en un monde meilleur, mais par dandysme légèrement désabusé

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